Le 14 février 2007,
Je suis désolé. Je ne suis pas à jour. Les événements se bousculent, s'entrechoquent. Je suis un spectateur actif; les gens que je côtoie journellement m'émerveillent et je tente de saisir toute l'essence et toute la portée des inégalités.
Je suis parti avec Jonathan, le 14, pour le bidonville de Sonderwater (le mot signifie "sans eau" en Africaneer, au risque de me répéter). Ce bidonville est constitué essentiellement de maisons fabriquées à partir de débris de tôle et d'objets épars. J'ai plusieurs photos que j'ai voulu télécharger sur mon blog mais les connexions Internet sont tellement mauvaises ici que c'est malheureusement impossible.
Nous avons donc observé, moi et Jonathan, un cruel spectacle. Nous avons été les témoins d'un appel à l'aide devant lequel nous étions impuissants. J'ai vu Jonathan secoué par les paroles d'une femme que nous avons interwievée.
Elle a 63 ans. Son nom, je ne m'en souviens plus. Palusa - Serrena - Sokile. Je l'ignore. Elle vit dans ce schak depuis 14 ans. Sans aucune électricité, sans eau courante. Les habitants boivent l'eau de la rivière; non loin, des usines (tel que la Söderts Industries) y déversent leurs matières résiduelles. Les enfants jouent dans cette rivière. Il y a des petits crabes rouges. Un enfant prend un crabe. Il fait un feu pour jouer. Il embroche le crabe, le cuit sur le feu. Il mange le crabe qui vivait dans la rivière. Le crabe mange les plantes de la rivière. Les plantes se nourrissent avec l'eau. L'eau est contaminée.
Elle nous parle d'elle. De l'eau. De l'apartheid. Que l'ANC n'a rien fait depuis son élection. Au contraire, le parti politique a privatisé l'électricité, l'eau potable. L'état ne possède rien. Le peuple ne possède rien. Seulement les méga-industries qui profitent de l'exploitation des classes ouvrières. Nouveau règne d'un apartheid économique. Cette femme, à la fin de son monologue, regarde Jonathan et lui dit "Help us". Elle le répète cinq fois. Jonathan regarde au sol, et peine.
Nous interwievons un homme. Il s'est battu pour que le gouvernement écoute le cri d'alarme de la situation des schaks. On l'a plutôt emprisonné. Un homme dans la cinquantaine. Il n'a jamais tué personne. Il narre sa vie. N'est pas un criminel. Un père de famille qui voulait nourrir sa famille.
Les images sont fortes, saisissantes. J'avais des larmes qui ne tombaient pas, mais qui coexistaient avec mon champ de vision. J'aurais voulu faire l'impossible. Pour ces gens, nous ne sommes pas des blancs sud-africains. Nous incarnons une possibilité, un espoir. C'est lourd de porter l'espoir en soi, surtout lorsqu'il est fortuit. On se confie à nous. Nous sommes du Canada. Un grand pays pour eux. Lorsqu'ils apprennent qui nous sommes, le ton change; notre statut diffère : l'homme blanc exploiteur devient l'homme aidant. La couleur s'estompe. Je serre des mains. Beaucoup. Certaines peut-être séropositives. Dans les bidonvilles, une personne sur trois est porteuse du VIH.
Jean-Philippe a écrit un commentaire intéressant : je deviendrais sûrement plus radical suite à cette expérience. Mon cher ami, c'est déjà fait. Cette réalité ne peut qu'endurcir ton dégoût face à l'exploitation. Face aux multinationales. Face au racisme. Face à soi-même comme image de ces inégalités. On se dit : je dois agir. L'inaction mène à la passivité. À l'oisivité. Malheureusement, au Québec, la facilité est dominante.
Merci Nicolas pour ton message. tu écris tellement bien. Tu devrais le faire plus souvent. Jaloux tu dis. Québec est peut-être plate, mais tu peux y marcher le soir jusqu'au petit matin sans avoir peur. Tu peux te promèner en voiture la tête au vent sans craindre une attaque. Tu peux laisser la porte débarrer chez toi sans qu'une personne n'entre par infraction. Tu n'es pas dans l'obligation d'avoir un système d'alarme si tu possèdes UN seul article de valeur. Là-bas, tu es riche si tu as une guitare, un ampli, une caméra, un micro, une bague ou un vélo. Tu as une voiture ? Tu es catégorisé. Oui, Québec est plate. Mais les gens voudraient, pour tout l'or des mines de Joburg, atteindre cette quiétude si caractéristique à la vieille Capitale.
J'aime ma ville natale. Québec me manque. Montréal; plus ou moins. J'aimerais faire un gros festin en revenant. Un grand festin avec du pap, du fufu, de l'agneau au curry, de la mangue marinée... j'aimerais aussi présenter le fruit de mon travail lorsque je l'aurai terminé. Au fait, l'accent ici est terrible... :0)))
Vos commentaires sont toujours très appréciés. Chaque fois que je reçois une réponse de l'un d'entre vous, je me tape dans les mains, je ris à m'en pourfendre le visage, le coeur grand et gros, aimant.
Pour vous, Benoît et Jean-Philippe, j'ai beaucoup d'images et de photos pour le Comité Eau. Si ça vous intéresse. Jonathan a les rushes des entrevues mais je peux sûrement les acquérir éventuellement.
J'ai 27 ans et je grandis encore.
Je suis désolé. Je ne suis pas à jour. Les événements se bousculent, s'entrechoquent. Je suis un spectateur actif; les gens que je côtoie journellement m'émerveillent et je tente de saisir toute l'essence et toute la portée des inégalités.
Je suis parti avec Jonathan, le 14, pour le bidonville de Sonderwater (le mot signifie "sans eau" en Africaneer, au risque de me répéter). Ce bidonville est constitué essentiellement de maisons fabriquées à partir de débris de tôle et d'objets épars. J'ai plusieurs photos que j'ai voulu télécharger sur mon blog mais les connexions Internet sont tellement mauvaises ici que c'est malheureusement impossible.
Nous avons donc observé, moi et Jonathan, un cruel spectacle. Nous avons été les témoins d'un appel à l'aide devant lequel nous étions impuissants. J'ai vu Jonathan secoué par les paroles d'une femme que nous avons interwievée.
Elle a 63 ans. Son nom, je ne m'en souviens plus. Palusa - Serrena - Sokile. Je l'ignore. Elle vit dans ce schak depuis 14 ans. Sans aucune électricité, sans eau courante. Les habitants boivent l'eau de la rivière; non loin, des usines (tel que la Söderts Industries) y déversent leurs matières résiduelles. Les enfants jouent dans cette rivière. Il y a des petits crabes rouges. Un enfant prend un crabe. Il fait un feu pour jouer. Il embroche le crabe, le cuit sur le feu. Il mange le crabe qui vivait dans la rivière. Le crabe mange les plantes de la rivière. Les plantes se nourrissent avec l'eau. L'eau est contaminée.
Elle nous parle d'elle. De l'eau. De l'apartheid. Que l'ANC n'a rien fait depuis son élection. Au contraire, le parti politique a privatisé l'électricité, l'eau potable. L'état ne possède rien. Le peuple ne possède rien. Seulement les méga-industries qui profitent de l'exploitation des classes ouvrières. Nouveau règne d'un apartheid économique. Cette femme, à la fin de son monologue, regarde Jonathan et lui dit "Help us". Elle le répète cinq fois. Jonathan regarde au sol, et peine.
Nous interwievons un homme. Il s'est battu pour que le gouvernement écoute le cri d'alarme de la situation des schaks. On l'a plutôt emprisonné. Un homme dans la cinquantaine. Il n'a jamais tué personne. Il narre sa vie. N'est pas un criminel. Un père de famille qui voulait nourrir sa famille.
Les images sont fortes, saisissantes. J'avais des larmes qui ne tombaient pas, mais qui coexistaient avec mon champ de vision. J'aurais voulu faire l'impossible. Pour ces gens, nous ne sommes pas des blancs sud-africains. Nous incarnons une possibilité, un espoir. C'est lourd de porter l'espoir en soi, surtout lorsqu'il est fortuit. On se confie à nous. Nous sommes du Canada. Un grand pays pour eux. Lorsqu'ils apprennent qui nous sommes, le ton change; notre statut diffère : l'homme blanc exploiteur devient l'homme aidant. La couleur s'estompe. Je serre des mains. Beaucoup. Certaines peut-être séropositives. Dans les bidonvilles, une personne sur trois est porteuse du VIH.
Jean-Philippe a écrit un commentaire intéressant : je deviendrais sûrement plus radical suite à cette expérience. Mon cher ami, c'est déjà fait. Cette réalité ne peut qu'endurcir ton dégoût face à l'exploitation. Face aux multinationales. Face au racisme. Face à soi-même comme image de ces inégalités. On se dit : je dois agir. L'inaction mène à la passivité. À l'oisivité. Malheureusement, au Québec, la facilité est dominante.
Merci Nicolas pour ton message. tu écris tellement bien. Tu devrais le faire plus souvent. Jaloux tu dis. Québec est peut-être plate, mais tu peux y marcher le soir jusqu'au petit matin sans avoir peur. Tu peux te promèner en voiture la tête au vent sans craindre une attaque. Tu peux laisser la porte débarrer chez toi sans qu'une personne n'entre par infraction. Tu n'es pas dans l'obligation d'avoir un système d'alarme si tu possèdes UN seul article de valeur. Là-bas, tu es riche si tu as une guitare, un ampli, une caméra, un micro, une bague ou un vélo. Tu as une voiture ? Tu es catégorisé. Oui, Québec est plate. Mais les gens voudraient, pour tout l'or des mines de Joburg, atteindre cette quiétude si caractéristique à la vieille Capitale.
J'aime ma ville natale. Québec me manque. Montréal; plus ou moins. J'aimerais faire un gros festin en revenant. Un grand festin avec du pap, du fufu, de l'agneau au curry, de la mangue marinée... j'aimerais aussi présenter le fruit de mon travail lorsque je l'aurai terminé. Au fait, l'accent ici est terrible... :0)))
Vos commentaires sont toujours très appréciés. Chaque fois que je reçois une réponse de l'un d'entre vous, je me tape dans les mains, je ris à m'en pourfendre le visage, le coeur grand et gros, aimant.
Pour vous, Benoît et Jean-Philippe, j'ai beaucoup d'images et de photos pour le Comité Eau. Si ça vous intéresse. Jonathan a les rushes des entrevues mais je peux sûrement les acquérir éventuellement.
J'ai 27 ans et je grandis encore.
Libellés : Afrique du sud
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