VIE, CIEL ET HIVER

L’hiver arrive. Pourtant, il fait 29 degrés. Je suis bien. La foule se met en marche tandis que ma caméra s’allume en plein centre-ville de Joburg, là où normalement le voyageur n’ose pas. Mais il y a foule, il y a des dizaines de caméraman, des dizaines de photographes. Des femmes marchent les seins nus, habillées du traditionnel costume zoulou; là-bas, plusieurs groupes dansent, crient, brandissent des affiches, quémandent la justice au nom du droit universel à la dignité; il s’agit, en fait, de choses que vous et moi avons eu depuis la naissance : un toit, de l’eau, de l’électricité, un job si possible pour manger. Il y a aussi de grands drapeaux multicolores qui volent, des drapeaux sur lesquels des hommes et des femmes ont écrit à la main que le sida est un fléau, que tous les malades ont le droit à des soins. Je filme encore et je compatis, j’agis. Il y a quelqu’un qui m’a dit dernièrement qu’on ne revient pas indemne d’un voyage à Johannesburg. C’est fou comme je suis ébranlé dans mes propres convictions.

Je pars demain matin très tôt pour Cape Town. Mon voyage sera sûrement beau et calme, puisque nous faisons le voyage en voiture, moi et Andile, ce qui correspond à 16 heures de route, et un peu plus si l’on s’arrête pour admirer le paysage.

L’autre jour, j’ai dit à Andile que j’étais son grand enfant – big child (il a une fille de 6 ans, Linda). Il a rétorqué, en anglais, que j’étais plutôt un big good friend. Vous ne pouvez pas savoir le chaud que ça m’a fait. Les gens du bureau préparent un party pour mon départ. Pourquoi je m’attache toujours autant?

Je porte en moi les silences d’un départ qui se rapproche, un peu comme les autres départs que j’ai vécus, mais celui-ci est particulier; je l’attends, je le sens comme une particule qui m’agace; j’ai écrit que je voudrais être une boule; maintenant, je ne veux plus rien. J’ai saisi que ce voyage a été magnifique dans ses ambiguïtés, dans sa souffrance ressentie, que j’ai capté l’insondable, cette chose que l’on ne distingue pas toujours à travers les filtres de notre confort et qui se nomme tout simplement la vie.

Certains me demanderont : « Est-ce le voyage que tu as le plus apprécié? ». S’il-vous-plaît, ne me posez pas cette question. J’ai aimé tous mes voyages. C’est impossible d’y répondre. Le voyage qui m’a le plus ébranlé. Définitivement.

Vendredi le 30 en soirée des éclairs garniront le ciel de Jozi que je flatterai une dernière fois de la main jusqu’au prochain hasard. Un avion s’éloignera pour Amsterdam et je regarderai derrière moi pour voir si ce que j’ai accompli est louable. Je sais que ma réponse sera oui.

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