LE NIGER

Le Niger, calme, me laisse glisser sur son ventre pendant que le piroguier arque son bâton de bambou dans l’eau pour atteindre le fond du fleuve. La poussée, douce, nous amène aux abords d’un arbre submergé par les crues; ici, des enfants se baignent et jouent; là, des femmes dénudées lavent le linge de la famille, des hommes se savonnent; plus loin, des pompes à gazoline acheminent l’eau pour abreuver la terre nourricière : des mangues, des pommes de terre, des papayes encore vertes, des haricots et une plante dont j’ignore le nom mais avec laquelle on prépare une excellente boisson chaude et sucrée qui protège du paludisme poussent et mûrissent.

Dans cette pirogue trouée, je navigue sur un fleuve source de vie. La saison des pluies fut excellente cette année. Modibo, le chauffeur du CECI, m’avait informé que le niveau des eaux n’avait pas atteint cette hauteur depuis au moins cinq bonnes années. Idrissa me parle de lieux sacrés à découvrir, d’une cérémonie des masques qui aura lieu dans un village voisin. Bôa, le piroguier, m’invite à l’accompagner et à filmer cet événement. J’accepte l’invitation avec une joie assurée.
  • Bà le piroguier sur le fleuve Niger
Je voudrais me baigner dans le Niger, me saouler de cette eau, profiter de la chaleur pour me rafraîchir et sentir cet amas de soleil sur ma peau. Je ne peux pas. Trop de maladies se propagent par l’eau.

Nous buvons le thé sur le bord la route. Nous saluons tous les passants. Les enfants sautillent en me voyant et hurlent « Toubabou, Toubabou, Toubabou » qui signifie homme blanc. Ils me rappellent que je viens d’ailleurs et pourtant, lorsque je communique avec ces gens, lorsque je dis « Ani Tilé », je n’ai pas de couleur de peau. Mes cheveux blonds me trahissent, blondeur que le soleil s’efforce de raviver et dont la pâleur m’apparaît de plus en plus intense.

Idrissa m’a offert un collier. Il est jeune, naïf et surtout trop gentil. Patrice Kouevi, un Togolais avec lequel j’ai déjà travaillé il y a quelques temps à Montréal, m’avait dit que chez lui, dans son pays, il y avait un adage pour les habitants de chaque pays voisin ou limitrophe. Des Maliens, les Togolais disent : « Gentil comme un Malien ». Je constate l’ampleur et la véracité de cette affirmation chaque jour.

Lorsque j’arrive et que je m’arrête, Idrissa me salue et m’invite à m’asseoir. Il prend les clés de ma moto et la gare dans un endroit à l’ombre. Les salutations sont longues et multiples; mon interlocuteur s’informe de ma famille et me dit « Et au Canada, comment ça va? ». Je procède de la même manière à son égard. Lorsque je le questionne afin de trouver un endroit pour acheter une carte d’appel pour mon téléphone; il hèle un gamin dans la rue, lui remet l’argent. Quelques minutes plus tard le garçon me tend la carte avec la monnaie. La culture est grande. La famille primordiale. Le respect et la serviabilité de rigueur.

Les gens sont un peu sur le qui-vive. La situation s’est empiré dans le nord-est du pays, où des Touaregs ont proclamé l’indépendance de la République du Tumoujgha. Cette « République » comprend le tiers du territoire malien, le deux tiers du Niger et une partie minime de l’Algérie. Les Maliens que je croise ne veulent pas la guerre et sont profondément attachés à la paix. La situation, néanmoins, préoccupe. Je vous donne d’ailleurs l’adresse d’un blog assez révélateur : www.tumoujgha.blogspot.com.

Quant à moi, dans ma petite ville, je commence à tisser des liens.

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