14 novembre 2007


La semaine se termine et je regarde derrière moi les derniers jours qui se sont écoulés. L’écriture fut plus lourde, moins présente; j’ai éprouvé des élans de fatigue, me suis un peu enfui dans le monde malien, ai découvert des trésors mais aussi un scorpion. Je dois commencer depuis le début. Je recule dans le temps : Benoît cogne à ma porte.

Samedi dernier, El Konaté (Benoît) débarque chez moi avec Al Assane, on rigole, ils me racontent des histoires pas croyables; quelques minutes avant leur arrivée, la police les a arrêtés car ils n’avaient pas leur ceinture et bang, 3000FCFA d’amende. Quelques jours plus tôt, Al Assane a eu un accident et a frappé deux jeunes de seize ans sur leur bécane; Benoît et deux autres coopérantes étaient dans la bagnole, je vous raconte pas le merdier, mais les gens criaient aux jeunes de rester coucher au sol car la voiture était remplie de toubabous, les jeunes se sont accroupis, Benoît et Clothilde ont payé des milliers de FCFA, la police a dit que c’était la voiture qui était fautive – les motos ont pourtant coupé la voiture par la gauche – et ce malgré le témoignage des quatre personnes à l’intérieur de l’automobile.

Départ dans la nuit pour Sanankoroba, visite du village le matin et toute la journée. On arrête chez Binetou (j’ignore l'orthographe du prénom de cette femme), on bouffe, un chèvre malade tombe et agonise, un adolescent lui coupe la gorge, Benoît veut dépecer la bête, et pourquoi pas, on s’affaire à la tache, d’abord il faut gonfler la bête, l’ado fait une incision dans la patte arrière de l’animal, il prend un bâton et l’insère dans la plaie puis l’enlève, il pose la bouche sur la coupure encore chaude et souffle dans l’animal qui gonfle comme un ballon rond, avec une corde on attache la patte pour faire un garrot afin que l’air demeure à l’intérieur de l’animal. Avec un couteau on retire d’abord la peau, Benoît s’exécute, je prends des photos, je m’exécute, Benoît retient les pattes arrières; on passe un corde dans les os des cuisses afin de suspendre la carcasse à un arbre pour dépecer en morceau la chèvre et je crois que je vais arrêter ici afin de préserver les cœurs sensibles de la mise à jour des organes internes et de l’odeur pestilentiel qui s’en dégageaient.

Retour en sotrama à Koulikoro, 21 personnes entassés comme des sardines dans une grosse boîte vert métallique sur roues, les gens s’activent tranquillement, le Ramadan tire à sa fin et les gens s’excitent. Moi je défriche mon terrain. Je tire une branche d’arbre du sol. Je retire la main d’un geste brusque. J’ai mal à la main, au doigt, ça monte dans mon bras. Je gueule comme un forcené, je gueule à m’en époumoner, je frappe sur la table, je souffre, je crois que ça va partir mais non, j’appelle Kardigué, je bouge dans tous les sens, un garçon qui habite chez le voisin accoure, me demande où j’ai été piqué, je lui montre l’emplacement, je cris, la douleur arrive sur le flanc, il cherche, il trouve, c’est un scorpion, il me montre l'infâme bestiole, je fulmine et questionne si c’est dangereux, le garçon répond que non, j’appelle deux trois quatre personnes car Kardigué n’arrive pas, je bute les boîtes vocales à chaque fois et cette fois je suis déchaîné, je me retiens pour ne pas casser la table en deux – qui est en bois massif - mais j’ai tellement d’adrénaline dans le corps que je pourrais soulever une voiture; j’ai mal et cette douleur se matérialise en une force abominable. Kardigué se pointe enfin, j’embarque dans le camion, direction l’hôpital. Le médecin m’injecte un sérum anti-poison. Après une heure je vais mieux, je retourne à la maison. Je reviendrai quelques heures plus tard pour une seconde dose.

Puis vint la fin du Ramadan. Je reçois des invitations de toutes parts. Je me rappelle que je dois aller à Bamako pour mon visa, je prends un taxi, on est dix dans une bagnole qui date des années soixante et qui tombe en morceau, « J’arrive! » me dis-je, mais c’était méconnaître la situation malienne à la veille de la fête, je me bute à un policier qui veut 25000FCFA pour le visa et ce, sans me donner de reçu car il dit que les banques sont fermés, je rebrousse chemin, ça ira à lundi.

Le lendemain je bouffe chez Yaya et comme ça fait un mois qu’il est en jeun, il mange à se défoncer le ventre. Moi je n’en peux plus, j’ai la diarrhée et je n’ai plus faim, mais on me dit qu’il faut manger alors je mange, c’est comme ça toute la journée et le surlendemain mais au fond c’est un vrai plaisir, je découvre tout plein de mets et de plats et c’est suffisant pour me rendre heureux.

En arrivant au bureau pour taper ce message mon pneu arrière a éclaté. Je crois que je vais aller dormir. Écouter de la musique. Me reposer. Et rire un peu, car même si j’écris tout ça, on pourrait ne pas me croire. Prétendre que j’ai tout inventé. Pourtant, j’ai même omis des événements.

Imaginez la semaine prochaine.

0 Comments:

Post a Comment