LA CONVALESCENCE

Le crépuscule tombe sur les arbres où des oiseaux aux plumes bleu argenté chantent le repos du soleil et l’heure magique, orange et diffuse, envoie ses derniers faisceaux dans mes yeux avant que l’orchestre symphonique des grillons entame son concert nocturne. Je balance les yeux sur les lignes de mon livre et je respire l’air katibougois qui me procure un paisible sentiment de paix. Du fond de ma brousse, entouré de mantes religieuses, de moustiques, de lézards et de serpents, la plénitude du repos alimente mes forces qui reviennent peu à peu, revitalisées par cette hargne soudaine qui m’abrite. La nuit m’endort comme un insomniaque qui rêve de sommeil sans fin.

Koulikoro est un paradis, avec ses mythes et ses légendes, avec ses grottes et sa pierre sacrificielle, et le Niger qui berce la ville profite de son retrait pour voir les gens s’approprier les berges et l’eau, sablonneuse, crée des remous sur les nouveaux jardins. Sur la route qui mène à Katibougou, d’énormes platanes forment un couloir d’ombres où la sérénité empoigne le voyageur fatigué du chemin parcouru. Je suis ici, cavalier seul, profitant de chaque coup d’œil, de chaque sourire et, comme un paysan, je prends la terre rouge entre mes doigts pour en sentir l’odeur. Cette odeur, c’est celle de l’Afrique rurale, éloigné des grands centres urbains, du brouhaha incessant des crieurs de rue, des enfants pieds nus qui vont, canisse à la main, quémandant quelques pièces pour se nourrir, pour vivre. J’inspire la profondeur de cet air fluvial qui me frappe en plein visage et je pense aux plaines d’Abraham, l’hiver, lorsque sur le toit de mon monde je cris à m’en époumoner pour montrer à l’infini que j’existe.

Mon père m’a écrit que je devais prendre du répit. Ce répit, je le prends avec une cuillère et l’avale comme un soupe chaude et réconfortante. Je me prélasse le matin dans mon lit et le temps, intemporel, ne s’impose pas, tapit dans sa demeure africaine.

Il n’y a d’autre repos que celui de l’abandon. L’abandon dans les joies de la paresse.

0 Comments:

Post a Comment