LA TRANSPARENCE DU MALAISE

Janvier se réchauffe comme un bruit de pluie qui tombe sur la neige et se mélange à la glace pour irriguer la terre. Ici, dans ma retraite, j’attends. J’attends que les silences deviennent paroles, j’attends que le temps passe, j’attends que les choses se meuvent.

Noël a été fou et différent; le jour de l’an calme et enivré, et depuis la lune croissant je regarde et espère que tout s’arrangera.

J’ai pondu un œuf duquel éclot un rapport. Ce rapport, une fois entre les mains des personnes concernées, ne fut pas très apprécié. Mes liens cordiaux avec les gens de l’IPR/IFRA se sont effrités comme une herbe sèche et malgré mes recommandations, les cours que je dispensais ont été suspendus et depuis maintenant plus de deux semaines je n’ai aucun contact avec eux. Je suis à produire plusieurs documents pédagogiques, des didacticiels, des tutoriaux afin qu’après mon départ, des traces subsistent.

J’attends. J’attends un homme du CECI qui arrivera de Montréal. J’attends aussi que tout se règle, mais le moral ni est plus, et la motivation encore moins. Je ne sais pas si de dois écrire cela, si je n’extrapole pas un peu, mais il me semble que tous les événements qui se sont déroulés depuis mon arrivée, toutes les anicroches qui obstruent mon chemin, s’accumulent et causent une commotion de frustrations dans ma tête.

Les gens qui viennent me visiter me demande comment je passe le temps ici, seul. Benoît m’a dit qu’il boirait tout le temps. J’ai demandé à Sidimoctar si des stagiaires ou coopérants avaient déjà habité seul comme ça. La réponse fut négative. Je savais que ce serait un défi. Mais à six semaines de la fin, je constate déjà que j’aurai réussi à combattre l’adversité. À m’affranchir de la solitude, de la maladie, des contraintes et des difficultés professionnelles rencontrées. J'ignore l'étendue des apprentissages que j'ai effectués; mon point de vue est trop interne et un recul me semble nécessaire pour prendre conscience de ce vécu.

Je couvre la nostalgie. La nostalgie de l’Afrique du sud. Contexte différent, certes, mais un respect inimaginable de ma personne de la part des personnes que j’ai côtoyées. Pourquoi j’en parle? Parce que maintenant, un autre stagiaire d’Alternatives est là, pour GIWUSA, et que grâce à mon expérience, ce partenaire pourra grandir à travers les nouvelles technologies. Je parle de respect. Je parle de respect car j’ai l’impression qu’on s’est fichu de moi. Qu’on m’a leurré, berné. Que tous les sorciers et les marabouts ont conjuré leurs sorts vers moi.

***

Dans un maquis de Koulikoro-Bâ, deux toubabs boivent une bière avant de prendre la route pour Sanankoroba. Un Malien dépose sur la table un jeu de Khori. Les Khoris sont des coquillages qui parlent de l’avenir. Les toubabs paient un verre au farafi et à son traducteur. Le lecteur d’avenir brasse les coquillages, parle, palabre. L’un aura beaucoup d’argent, il est venu ici pour apprendre la souffrance. Il est d’une famille de quatre, sa mère ne veut plus qu’il parte car elle s’ennuie. L’autre est entouré de femmes, est un tombeur, un beau parleur. Il reviendra au Mali. Y prendra femme.

Le jeu est beau, magnifique. Les toubabs écoutent, rient. Il paraît que les Khoris ne mentent jamais. C’est une belle histoire qui demeure une histoire.

Et ça, pour ce que ça vaut, est la raison pour laquelle je persiste et signe.

0 Comments:

Post a Comment